Un hiver avec la créatrice Nastia Sleptsova (1ère partie)

Cet hiver, nous avons eu la grande chance de travailler avec l’illustratrice Nastia Slepstova qui a imaginé dans sa palette douce et sensible et son univers poétique et réconfortant la jolie carte qui accompagne vos paquets.

Nastia a accepté avec beaucoup de générosité de partager avec nous son parcours, son quotidien de créatrice et son lien particulier à l’hiver et c’est avec un grand plaisir que je vous propose de découvrir cette interview.

Bonjour Nastia, est-ce que tu pourrais te présenter ?

Bonjour ! Je m’appelle Nastia Sleptsova. Je vis en Ukraine, je fais des illustrations et dirige ma boutique Etsy où je vends mes produits illustrés. J’aime la mer et j’aime voyager. J’aime être à la maison et j’aime les longues promenades. J’aime la sensation d’immobilité sans précipitation et j’aime la sensation de se réveiller tôt avant d’aller à l’aéroport.

J’ai comme petite tradition de passer mon anniversaire près de la mer, même si c’est en janvier, et j’ai décidé d’essayer de le fêter en découvrant des mers différentes chaque année ! J’aime regarder les choses autour de moi et j’aime partager ces observations, que ce soit en discutant avec un ami ou à travers mon travail.

Est-ce que tu pourrais nous raconter ton parcours ?

Je suis née en Crimée, Simferopol. J’ai passé toute ma jeunesse là-bas à étudier à l’école des arts, puis à l’université pour suivre une formation en design / art (il n’y avait pas de cours d’illustration spécifique). C’était une petite ville avec de petites opportunités. Et je pense que depuis que j’étais étudiante, je savais déjà que ce serait difficile pour moi de trouver un emploi local correspondant à mes intérêts. Je ne savais même pas ce que je voulais faire exactement, c’était juste le sentiment que je voulais le faire à ma façon.

Le manque de perspectives combiné à cette énergie étudiante m’a poussé à créer une petite «entreprise» en ligne – j’ai commencé à imprimer et à vendre des cartes postales avec mes premiers dessins et à faire des illustrations étranges sur des t-shirts. Tout était vraiment petit et local, et c’était plus un passe-temps, quelque chose pour faire ressortir mon énergie artistique. C’était l’époque des premiers numéros de Kinfolk et celle où j’ai découvert pour la première fois les comptes Instagram de fabricants et créateurs indépendants du monde entier. En contemplant leur vie créative, en regardant leurs studios et leurs produits d’art, j’ai été très inspirée. J’ai décidé que c’était le genre de chose que je voulais réaliser moi aussi un jour. Et j’ai juste commencé à dessiner de plus en plus, en essayant de trouver mon style d’illustration et en cherchant mes premiers clients et collaborations. Et mes efforts ont été récompensés. J’ai reçu mes toutes premières commandes de beaux magazines et marques indépendantes. J’ai réalisé mes premiers projets de livres et j’ai commencé à participer aux marchés et festivals ukrainiens pour vendre mes produits de design.

Ensuite, mon petit ami et moi avons décidé de déménager, et maintenant nous vivons à Lviv (c’est une ville à l’ouest de l’Ukraine) et enfin ici j’ai commencé ma boutique Etsy qui a maintenant 6 ans. Aujourd’hui, j’ai mon propre studio, et je suis heureuse de ce chemin parcouru qui m’a permis de faire connaitre mon travail dans le monde entier, de rencontrer tant de clients reconnaissants et de personnes proches d’esprit du monde entier.

Depuis quand dessines-tu ? Est-ce que tu t’es toujours perçue comme une personne créative ?

Cela ne paraîtra sans doute pas très original, mais je dessine depuis que je suis toute petite. De tous les talents comme le chant, la danse ou le théâtre, j’ai toujours été plus tournée vers le dessin, peut-être parce que j’étais une enfant un peu introvertie. Petite, c’était une activité réconfortante pour moi, et je ne m’ennuyais jamais à dessiner ou à jouer toute seule.

Mes années étudiantes ont aussi été une période d’introspection personnelle et d’exploration de mon identité et de mon style très importante pour moi. C’était de 2005 à 2011, et heureusement pour moi, c’était une époque où la présence des réseaux sociaux était très réduite. À cette époque, pour mes amis et moi, nous tirions notre inspiration de vieux films et des expositions d’art que nous voyions. C’était notre truc de prendre un appareil photo argentique et de sortir de la ville le week-end, et bien sûr d’échanger des CD ou des DVD avec de la musique underground et des petits films d’auteur. Je pense alors que nous nous considérions tous comme des «artistes» au sens large et social du terme. Et je pense que c’était dans ces années que j’ai su avec certitude que je voulais relier ma vie à la créativité. Ce n’était qu’une question de temps pour trouver ma propre niche, ma propre voie.


Est-ce que tu a un processus créatif défini ? Est-ce que tu travailles de la même façon pour un projet personnel et pour une commande par example ?

Tout commence toujours par un croquis esquissé au crayon dans mon carnet. Ensuite, s’il s’agit d’un travail personnel, je commence à combiner les couleurs sur mon ordinateur et je passe à un travail de plus en plus détaillé. Parfois, je ne suis pas sûre de la palette de couleurs. Puis, je compose des mood board, généralement en parcourant simplement des photos aléatoires sur Pinterest, à la recherche de quelque chose qui résonne en moi à ce moment particulier. Cela peut être n’importe quoi : une capture d’écran de film, des photos du magazine de mode, une vieille couverture de livre, une affiche vintage, un ornement. Quand je sens que j’ai saisi l’atmosphère exacte, je commence à définir l’illustration par couleur et à la finaliser étape par étape.

Dans le cas où je travaille pour un client, il me donne habituellement la palette et le thème souhaités au moment où nous discutons du projet, ce qui me donne une première idée de ce à quoi cela va ressembler. La principale différence entre travailler avec un client ou sur un projet personnel – ce sont les délais. Lorsque je travaille pour moi, je peux modifier l’illustration tant que je pense qu’elle doit être modifiée. C’est juste un sentiment intérieur qui me dit «ok stop, c’est prêt maintenant», et pas l’impératif de la deadline notée sur l’agenda.

À quoi ressemble une bonne journée de travail pour toi ?

J’aime vraiment quand il n’y a pas de précipitation et pas de grands projets en dehors de celui sur lequel je travaille. Parfois, il ne s’agit que d’un flux de dessin et c’est bien de suivre ce flux chaque fois que cela vous prend. Je n’aime pas garder un œil sur l’horloge, cela me dérange. Une matinée calme pour moi, c’est des vêtements bien choisis, un bon petit déjeuner, une tasse de café savoureux et un espace (important) qui soit propre et bien rangé. Si c’est une journée de préparation des commandes Etsy, j’adore avoir un podcast pendant que je travaille. Ensuite, je vais au bureau de poste et on peut me voir portant quelques gros sacs de shopping remplis de paquets 🙂

Est-ce que tu pourrais nous décrire ton espace de travail ?

Depuis environ deux ans, je loue un studio que j’utilise comme espace de travail. Ici, dans le studio, je garde tous mes produits et matériaux d’emballage pour ma boutique Etsy et mon ordinateur. J’ai rempli cette pièce avec des meubles et des détails trouvés sur notre marché aux puces en ligne local, mélangés à mes affaires de travail qui avaient été conservées pendant des années dans différents coins de la maison. Des murs blancs, deux grandes fenêtres, rien de vraiment spécial, mais j’aime qu’il soit lumineux et dans des couleurs neutres. J’adore quand mon espace me ressemble.

Quels outils utilises-tu pour tes illustrations ?

Depuis de nombreuses années, je travaille sur Photoshop en utilisant la tablette Wacom Intuos Pro. Maintenant, j’ai l’iPad-Pro et l’illustration de DeRerumNatura a été créée dessus. Je trouve toujours Photoshop très utile pour beaucoup de tâches et il reste mon viel ami, mais c’est certain que l’iPad me donne l’impression de ne pas être liée à un seul endroit.

Que recherches-tu dans une image que tu crées ?

Le plus important pour moi est de sentir que je crée quelque chose qui reflète ce que je suis : moi dans ce moment particulier, dans cette période particulière de ma vie.

Quand te dis-tu qu’elle est finie ?

Comme je le disais plus haut, cela vient de l’intérieur. C’est juste une petite musique en moi qui me dit «c’est fait». Je peux être très perfectionniste et continuer à revenir sur certains détails et changer la taille pour 1 mm ou essayer un angle différent ou changer légèrement la position de celui-ci, juste pour trouver la meilleure version. Personne ne peut voir la différence sauf moi, mais c’est le but : j’ai besoin que ce soit correct pour moi. C’est pourquoi j’aime prendre le temps de prendre un peu de recul pour pouvoir ensuite y revenir avec un oeil neuf.

Qu’est-ce que tu aimes le plus dans ton travail ? Quelles étapes du processus de création apprécies-tu le plus ?

Je pense que toutes les étapes sont intéressantes à leur manière. Tout d’abord, j’aime me mettre à l’aise avec une tasse de café fraîchement moulu dans un espace propre et commencer à collecter les images du moodboard, à esquisser un motif et l’atmosphère que je voudrais transmettre. Ensuite, j’aime ce que je ressens quand je suis prise dans le flux du dessin. Puis, j’aime le ranger pour y revenir un autre jour. J’aime ce premier regard décisif après la pause et sentir que vous aimez toujours ce que vous avez fait, que tout est à sa place. Et puis j’aime quand l’illustration s’est transformée en un objet palpable que je peux garder entre mes mains.

Et ce que je préfère entre tout, c’est que si je ne me sens pas inspirée ou que je ne sais pas quoi faire, je peux toujours prendre mon temps, prendre un jour de congé et ne pas me forcer à faire quoi que ce soit.

Quelle illustration pourrait être ta préférée ?

Ce n’est pas facile de décider, mais ça pourrait être mon ancien travail «Silver night». Cela me ramène à mes premières années d’illustration et à mes nuits de travail solitaires dans ma chambre à l’étage, dans notre maison familiale. J’ai passé de nombreuses nuits blanches devant mon ordinateur, et j’étais remplie de rêves et de pensées sur ma vie.

(à suivre ici …)

Crédits photos et illustration : Nastia Sleptsova

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